Programme > Consultation par auteur > Kouassi Vincent

Comment explique-t-on les difficultés rencontrées par différents groupes stigmatisés dans l'enseignement supérieur et quelles en sont les conséquences sur le soutien qui leur est apporté ?
Vincent Kouassi  1@  , Céline Darnon  2@  
1 : Université Clermont Auvergne
UMR 6024, LAPSCO, UCA - CNRS, Clermont-Ferrand, France, La Fabrique de l'UCA, service d'aide à la Réussite, à l'Orientation et à l'Insertion, Projet Mon Pass Pro, projet ANR
2 : Université Clermont Auvergne
UMR 6024, LAPSCO, UCA - CNRS, Clermont-Ferrand, France

La présentation s'axe autour d'un constat : le fait d'appartenir à certains groupes stigmatisés diminue statistiquement les chances de réussir dans l'enseignement supérieur (e.g., Insee, 2020). De nombreuses recherches en psychologie sociale montrent que ces inégalités de réussite sont en partie imputables au contexte dans lequel les étudiant-e-s évoluent (Easterbrook & Hadden 2021). En effet, des barrières structurelles (e.g. ressources économiques), institutionnelles (e.g. attentes des institutions) et psychologiques (e.g. sentiment d'inadéquation découlant d'une identité culturelle en décalage avec les attentes du milieu éducatif) peuvent freiner la réussite de certains groupes d'étudiant-e-s plus que d'autres. Pour faire face à ces disparités, plusieurs dispositifs d'accompagnement ont été conçus pour accompagner et favoriser la réussite des étudiant-e-s issus de ces groupes (e.g., les « Affirmative actions » ou discriminations positives : Downing et al., 2002 ou « l'éducation inclusive » présentée par l'UNESCO en 1994).

Cependant, l'application de ces dispositifs peut parfois rencontrer un certain nombre de freins. En particulier, ces dispositifs peuvent être perçus comme incompatibles avec l'idéal méritocratique de l'enseignement. En effet, dans le milieu éducatif, est promue la croyance en la méritocratie scolaire, selon laquelle seul le mérite des individus (leurs capacités, leurs efforts) détermine la réussite ou les échecs. Cette croyance peut amener à négliger le poids de facteurs contextuels qui agissent pourtant également sur la réussite ou l'échec dans l'enseignement supérieur. Des recherches ont d'ailleurs montré que plus les individus croient en la méritocratie scolaire (i.e., plus ils croient que la réussite et l'échec sont déterminés uniquement par le mérite) moins ils soutiennent la mise en application de dispositifs permettant de réduire les inégalités entre groupes (Batruch et al., 2023 ; Darnon et al., 2018).

Nous présenterons ici les résultats d'une étude récemment menée sur 150 étudiant-e-s, toutes filières confondues. Dans celle-ci, nous avons présenté aux participant-e-s diverses populations décrites comme vulnérables (e.g., les étudiant-e-s de bas SSE, avec un handicap, issu-e-s d'un bac professionnel, les femmes dans des instituts masculinisés...). Les participant-e-s devaient exprimer à quel point ils et elles pensaient que les difficultés vécues par ces groupes dans l'enseignement supérieur étaient dues à un manque d'efforts, de capacités, ou à leur situation particulière. Nous leur avons ensuite demandé d'indiquer le soutien qu'il-elle-s jugeraient adapté d'apporter à ces populations. Les résultats montrent que moins les participant-e-s estiment que les difficultés de ces populations vulnérables sont dues à leur situation, moins il-elle-s les soutiennent. De plus, les participant-e-s avec une orientation politique de droite, les hommes et dans une moindre mesure, les participant-e-s avec un haut SSE ont tendance à juger les populations comme davantage responsables de leurs échecs comparativement (respectivement) aux participant-e-s de gauche, aux femmes et aux participant-e-s de bas SSE. Les implications et les perspectives de ces travaux, notamment l'importance de sensibiliser le personnel dirigeant, enseignant et administratif dans le milieu éducatif aux facteurs contextuels responsables des difficultés académiques de certaines populations, seront discutées.


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