Convergences et controverses autour de la réussite étudiante
Thomas Deroche  1@  , Isabelle Bournaud  2@  , Chloe Skrodzki  3@  , Bénédicte Humbert  3@  , Isabelle Demachy  4@  
1 : Ecole Universitaire Paris-Saclay
Université Paris-Saclay
2 : Didactique des Sciences d'Orsay
Etudes sur les sciences et les techniques
3 : Ecole Universitaire Paris-Saclay
Université Paris-Saclay
4 : VP CFVU
Université Paris-Saclay

1. Introduction

L'enquête menée par le MERSI en 2021 montre que près de 41 % des étudiants de licence (générale et professionnelle) obtiennent leur diplôme en trois ou quatre ans (cf. SIES-MESRI, Système d'information SISE – RERS 2021). La réussite étudiante reste de fait, au cœur des préoccupations des acteurs de l'enseignement supérieur. 

La caractérisation de la réussite étudiante, de ses déterminants et de son accompagnement a fait l'objet de nombreux travaux (Paivandi, 2019). Construit dans un premier temps autour des seuls résultats académiques et de l'acquisition de connaissances dans une ou plusieurs disciplines, la définition de la réussite étudiante s'est enrichie ces dernières années d'une approche davantage centrée sur l'apprentissage de compétences transversales (méthodologiques, numériques), parfois non académiques (gestion de soi, organisation et équilibre de vie, santé, développement du projet personnel et professionnel notamment). Cette diversité des enjeux d'apprentissage à l'Université a ainsi contribué à la multiplicité des représentations de ce qu'est réussir dans l'enseignement supérieur, dépendantes en ce sens des acteurs questionnés (étudiants, enseignants, chargés d'orientation...) et/ ou de leur communauté d'appartenance (disciplines, programme, cycle universitaire). Ainsi il semblerait “qu'il n'existe pas de consensus sur la définition de la réussite universitaire “ (Paivandi 2019, p.19).

Mais ce consensus peut-il seulement exister ? Au sein de l'Université Paris-Saclay, l'École universitaire de premier cycle porte et développe un projet transformant pour les formations de 1er cycle. Elle s'attache en particulier à créer une dynamique pédagogique centrée sur les étudiantes et les étudiants, leur projet personnel et leurs aspirations professionnelles. Elle porte pour chacune d'entre elles et chacun d'entre eux, une même ambition de réussite, en proposant des dispositifs d'accompagnement adaptés à leur profil. Le concept de la réussite et ses dimensions sont donc au cœur de ce projet. La réflexion est menée au sein d'un groupe de travail qui réunit des Universitaires aux profils variés (enseignants, enseignants-chercheurs, personnels en soutien à la pédagogie - direction des études orientation, conseil pédagogique, etc.), travaillant dans les composantes ou dans les directions centrales de l'Établissement.

2. Problématique et question de recherche

Un des objectifs de recherche porté au sein de ce groupe de travail est de se doter d'un outil et d'une méthodologie afin d'identifier les représentations partagées de la réussite étudiante des différents acteurs universitaires : enseignants et/ou personnels d'accompagnement et/ou étudiants, qu'ils appartiennent à une même communauté disciplinaire et/ ou à des communautés différentes. À travers ce travail, il s'agit donc moins de proposer une nouvelle définition de la réussite étudiante que d'identifier comment chaque caractéristique de cette réussite pourrait se situer sur un continuum différenciant ce qui est partagé par l'ensemble des acteurs universitaires de ce qui l'est moins ou pas du tout.

Dans cette ambition, le groupe s'est appuyé sur des données produites lors d'un travail de recherche mené au préalable par l'équipe de recherche Didasco de l'Université Paris-Saclay : des verbatims d'enseignants intervenant auprès des étudiants de première année universitaire, interrogés sur leur définition de la réussite étudiante, ainsi qu'une grille d'analyse de ces verbatims, construite en s'appuyant sur le questionnaire des obstacles académiques en français (DeClerq et al., 2020) et sur la version française du questionnaire SACQ qui mesure l'adaptation de l'étudiante à l'université (Carayon et Gilles, 2005). Cette grille d'analyse est présentée dans le Tableau 1. Elle est structurée en 5 dimensions caractérisant la réussite étudiante : 1) Académique "quantitative", 2) Académique "qualitative" 3) Orientation et intérêt, 4) Intégration, Affiliation sociale 5) Épanouissement personnel. On constate dans le tableau 1 que dans leurs verbatims, les enseignants interrogés ne font pas systématiquement référence à chacune de ces dimensions quand ils décrivent les caractéristiques de la réussite étudiante. Sont-ils pour autant en désaccord avec les dimensions qu'ils n'abordent pas spontanément ? Dans quelle mesure chacune de ces dimensions pourraient-elle constituer le socle de représentations partagées ? Le cas échéant, comment construire une représentation holistique de la réussite étudiante, i.e., intégrant toutes ces dimensions ?

Tableau 1. Fréquence d'apparition de chaque dimension dans le discours des enseignants (donnée Didasco, Université Paris-Saclay)

3. Méthode

Plusieurs temps d'expérimentation vont permettre de répondre à ces questions. Dans un premier temps, qui fait l'objet de cette communication, il s'agira d'identifier dans quelle mesure chacune de ces cinq dimensions est prépondérante pour des enseignants pour caractériser la réussite étudiante. Dans un second temps, il s'agira d'identifier comment faire converger les représentations potentiellement différentes et sources de controverses dans une même communauté. En s'appuyant sur un cadre théorique autour de l'influence sociale et du processus de normalisation (Moscovici & Ricateau, 1972 ; Mugny, Falomir, Quiamzade, 2017), plusieurs dispositifs seront testés : la prise de position publique et les débats mouvants.

3.1. Participants

Pour identifier dans quelle mesure chacune des cinq dimensions de la réussite est prépondérante pour des enseignants pour caractériser la réussite étudiante, 50 enseignants du portail Sciences de l'Université Paris-Saclay qui enseignent en première année seront sollicités pour répondre à un questionnaire.

3.2. Outils et procédures

Le questionnaire comporte des propositions de caractérisation de la réussite étudiante construites à partir des données textuelles de l'enquête menée par Didasco. Chaque proposition a une trame commune, chacune d'elles commençant par l'énoncé suivant : “réussir sa première année à l'Université c'est [...]”. Ces propositions ont été codées par les chercheurs de Didasco pour identifier 1) Quelle est la dimension la plus prépondérante dans chaque proposition 2) Quelle(s) autre(s) dimension(s) sont également convoquée(s) par la proposition ?

L'objectif de cette première étape est d'identifier 5 propositions par dimension caractérisant la réussite étudiante ; 25 propositions au global. Ces 25 propositions feront l'objet du questionnaire proposé aux participants à l'étude visant à identifier leur degré d'accord avec chacune d'elles sur une échelle de type Likert de 0 (Pas du tout d'accord) à 7 (tout à fait d'accord).

4. Analyses des données

Dans un premier temps, une analyse factorielle va permettre de vérifier que chaque proposition fait bien référence à la dimension qu'elle interroge et que l'ensemble des propositions pour chaque dimension présente une cohérence interne acceptable.

Dans un second temps, des analyses de variance en mesures répétées vont permettre de tester dans quelle mesure le degré d'accord des participants dépend de la dimension interrogée principalement par l'énoncé. 

5. Discussion

Si nous partons de l'hypothèse que tous les enseignants ont une vision éclairée de l'ensemble des dimensions de la réussite, et du constat d'une différence dans la prévalence de chaque dimension dans le discours des enseignants, alors chaque dimension ne semble pas faire consensus dans une même communauté pour définir ce qu'est réussir à l'Université. Entre consensus et controverses, l'ensemble de ces dimensions pourrait se situer sur un continuum, et c'est ce que nous explorons.

Les résultats de cette étude sont en cours d'analyse et seront présentés lors du colloque.

 

Références

De Clercq, M., Van Meenen, F., & Frenay, M. (2020). Les écueils de la transition universitaire : validation française du questionnaire des obstacles académiques (QoA). e-JIREF, 6(2), 73-106.

Carayon, S. et Gilles, P. Y. (2005). Développement du questionnaire d'adaptation des étudiants à l'université (QAEU). L'orientation scolaire et professionnelle, (34/2), 165-189.

Moscovici, S., & Ricateau, P. (1972). Conformité, minorité et influence sociale. Introduction à la psychologie sociale, 1, 139-191.

Mugny, G. , Falomir-Pichastor, J.M., & Quiamzade, A. (2017). Influences sociales, Fontaine, Presses universitaires de Grenoble, coll. Psycho plus.

Paivandi, S. (2019). Le défi de la transition entre secondaire et supérieur. Construisons des ponts. Rapport du CNESCO. https://www.cnesco.fr/wp-content/uploads/2019/08/190801_Cnesco_Post-baccalaureat_Paivandi.pdf

 


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